Par : Is-Deen O. TIDJANI (D.O.T)
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Présenter la situation à la veille du scrutin aussi bien au plan juridique, des préparatifs, des candidatures ; rappeler la contribution de la plateforme électorale des OSC avant et pendant le scrutin. Et enfin énoncer les défis et recommandations afin d’améliorer la participation au scrutin. C’est à cet exercice que se sont adonnés les responsables de la plateforme électorale des OSC en rencontrant les professionnels des médias dans la soirée de ce samedi 27 avril 2019 depuis la “salle de situation électorale” du Bénin Marina Hôtel de Cotonou. À cette occasion, madame Fatoumata Batoko Zossou, présidente de la plateforme électorale des organisations de la société civile, a fait un tour d’horizon de la situation pour enfin proposer plusieurs recommandations. Nous vous proposons l’intégralité de sa déclaration.
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MONITORING DES LÉGISLATIVES 2019
Salle de situation Électorale
Bénin Marina Hôtel, du 27 au 29 avril 2019
Déclaration d’entrée
I- DU CONTEXTE DES LEGISLATIVES DE 2019
Demain, dimanche 28 avril 2019, les Béninois se rendront aux urnes pour des élections législatives particulières et sensibles. En effet, depuis son démarrage, le processus électoral se trouve confronté à d’énormes difficultés issues de la mise en œuvre de certaines dispositions du nouveau cadre juridique qui l’organise. Dès lors et au regard de son passé en matière de démocratie électorale, le Bénin vit une ambiance électorale insolite caractérisée par d’énormes tensions préélectorales et une psychose perceptible alimentée par des craintes de violences électorales.
A la veille du scrutin, la situation se présente comme suit :
Au titre du cadre juridique et de ses nouveautés :
La loi n°2018-31 du 09 octobre 2018 portant Code Electoral et la loi n°2018-23 du 17 septembre 2018 portant charte des partis politiques en République du Bénin sont les deux principaux textes régissant l’organisation des élections. Dans l’application de ces textes, plusieurs aspects à polémiques (Certificat de conformité, Quitus Fiscal, Article 242 du code électoral…) ont cristallisé les positions, d’une part, entre acteurs politiques et, d’autre part, entre acteurs politiques et institutions en charge des élections. Ces polémiques ont induit le processus dans une impasse politique qui n’a pu trouver de solution législative malgré la session parlementaire extraordinaire qui lui a été consacrée du 18 mars au 1er avril 2019.
Au titre du démarrage des préparatifs :
Par décret n°2019-012 du 09 janvier 2019, le corps électoral a été convoqué pour le 28 avril 2019 en vue de l’élection des députés de la VIIIème mandature de l’Assemblée Nationale.
Selon les données publiées par le Conseil d’Orientation et de Supervision de la Liste Electorale Permanente Informatisée (Cos-LEPI) le 16 janvier 2019, ce corps électoral est composé de 4 992 399 électeurs inscrits dans 7 909 centres de vote répartis dans 14 079 postes de vote.
Au titre des candidatures :
Du 21 au 26 février 2019, la Commission Électorale Nationale Autonome (CENA) a reçu sept (07) dossiers de candidature : Union Démocratique pour un Bénin Nouveau ; Union Sociale Libérale ; Union Progressiste ; Moelle-Bénin ; Force Cauris pour le Développement du Bénin ; Parti du Renouveau Démocratique et Bloc Républicain.
Au terme de l’examen des dossiers, le 05 mars 2019, la CENA a déclaré recevables deux (2) dossiers de candidature : “Union Progressiste (UP)” et “Bloc Républicain (BR)”, tous deux de la majorité présidentielle.
Par conséquent, aucun parti de l’opposition n’est retenu pour compétir.
Au titre des missions de facilitation et d’information
La situation, déjà délétère, qui s’est compliquée avec la qualification des deux (2) seuls partis retenus pour participer aux élections, a occasionné de nombreuses missions de diplomatie préventive conduites par des organisations régionales et internationales. Il convient de rappeler la mission pré-électorale de la CEDEAO du 3 au 6 mars 2019 ; la mission du Représentant spécial du Secrétaire général et Chef du Bureau des Nations Unies pour l’Afrique de l’Ouest et le Sahel (UNOWAS) du 18 au 20 mars 2019 ; la mission de l’Organisation Internationale de la Francophonie (OIF) au début du mois d’avril 2019 ; la mission de l’Union Africaine arrivée le 22 avril 2019.
Malgré les recommandations pertinentes de ces missions, la situation n’a pas connu de solution allant dans le sens de l’inclusivité électorale recherchée. En effet, au terme d’une réunion avec le chef de l’Etat les présidents des institutions ayant constaté l’absence de consensus, ont appelé à la poursuite du processus et la tenue des élections à bonne date telle que prévue pour le dimanche 28 avril 2019. Le conseil des ministres et la déclaration du chef de l’Etat ont confirmé cette tendance.
Au titre de la campagne électorale :
Le 11 avril 2019, conformément au code électoral, la campagne électorale a été lancée pour couvrir la période du 12 au 26 avril 2019. L’ambiance pré-électorale tendue a été marquée par des appels au boycott des élections par certains des partis recalés, des menaces et des actes de violence isolés observés dans quelques localités.
Cette situation a engendré la peur et la méfiance au sein des paisibles populations. La liberté d’expression a été sérieusement compromise au point où les organes de presse et tous autres canaux de relai et de communication ont été plutôt inactifs.
En outre, de nombreuses arrestations et détentions ont été opérées pour des faits qualifiés de trouble à l’ordre public et d’incitation à la violence.
L’hyper-sensibilité d’un tel contexte a motivé un certain nombre d’initiatives des acteurs sociaux.
II- DE LA CONTRIBUTION DE LA PLATEFORME ELECTORALE
Au regard du contexte et des enjeux des législatives du 28 avril 2019, la plateforme électorale des OSC du Bénin coordonnée par le Réseau Ouest Africain pour l’Édification de la Paix (WANEP-Bénin) a conduit une série d’initiatives pour contribuer à des élections inclusives et pacifiques.
Ainsi, avec l’appui financier de l’Union Européenne et de la Coopération Suisse sous mandat de Labo Citoyennetés, la plateforme électorale a mené les actions suivantes :
2-1. Avant le scrutin
– l’organisation, avec la Commission Electorale Nationale Autonome (CENA) d’un atelier de compréhension de l’article 242 du Code électoral, relatif à la répartition des sièges ;
– l’édition et la distribution de 5000 exemplaires du Code électoral et de la Charte des partis politiques ;
– l’édition et la distribution de 300 exemplaires du Code du numérique ;
– la réalisation de la cartographie des circonscriptions électorales à risque ;
– l’organisation de 12 sessions départementales d’échanges et de discussions autour des dispositions anxiogènes du Code électoral ;
– la tenue de huit (8) rencontres de plaidoyer avec des Présidents d’institutions de la République et des responsables des partis politiques pour pousser à des élections inclusives ;
– la publication de huit (8) déclarations assorties de recommandations à l’endroit de divers acteurs pour impacter le processus ;
– la formation des formateurs des moniteurs en vue du monitoring du scrutin ;
– les formations départementales des moniteurs pour la surveillance du scrutin.
2-2. Pendant le scrutin
– l’animation, les 27, 28 et 29 avril 2019, d’une Salle de Situation Electorale, réorientée selon les nouveaux enjeux du scrutin. Composée de trois (3) différentes chambres complémentaires et d‘une cellule de communication, cette salle est opérationnalisée pour coordonner la présence de la plateforme sur le terrain et permettre de continuer les initiatives d’Alerte et de Réponse en vue de contribuer à atténuer les menaces et risques. Les enjeux liés à la gestion sécuritaire du scrutin et au taux de participation sont ceux ciblés par la Salle de Situation. Dans les détails, la Salle de Situation comporte :
Des moniteurs
15 e-moniteurs déployés le 8 mars ont été renforcés par 36 moniteurs terrain déployés le 13 mars 2019. Ce total a été renforcé le jour du scrutin par 714 autres moniteurs et 24 superviseurs formés le 24 avril 2019 soit un déploiement total de 789 moniteurs. Ils sont actifs dans les 546 arrondissements du pays suivant un déploiement statistique.
La chambre technique
Composée de 22 techniciens mobilisés et équipés, cette chambre est chargée de maintenir le contact permanent avec les 789 moniteurs de terrain. Leur rôle est de vérifier et croiser les données envoyées du terrain par les moniteurs afin d’alimenter les analyses et les réponses de la Salle de Situation.
La chambre d’analyse
Elle est constituée de sept (7) experts de profils variés (science politique, communication, statistique, droit, sociologie, genre, sécurité…) ayant pour rôle d’analyser les données collectées et traitées par la chambre technique afin d’élaborer les documents de position comme la présente déclaration d’entrée, et tous ceux qui seront diffusés par la Salle de Situation durant ses travaux. L’ensemble de leurs analyses et recommandations seront transmises à la chambre de Réponse.
La chambre de réponse
Elle est composée de cinq (5) personnalités chargées de valider les alertes, recommandations et autres publications avant leur diffusion. Elle aura aussi à animer des conférences de presse périodiques suivant un agenda précis durant les 3 jours d’activité de la Salle de Situation. Les initiatives de réponse sur le terrain sont aussi de leur ressort afin de rendre effective la contribution de la Salle de Situation pour l’atténuation des risques et menaces de violence.
La cellule de Communication
Elle assure la visibilité et la diffusion des documents validés, ainsi que l’interface avec les acteurs des médias.
III- DES MOTIFS DE SATISFACTION, DEFIS ET RECOMMANDATIONS
Des motifs de satisfaction
La Plateforme électorale des OSC du Bénin ne tire aucun motif de satisfaction des présentes législatives au regard des caractéristiques finales qu’elles présentent malgré les alertes, les initiatives de plaidoyer et les nombreuses missions nationales régionales et internationales de bons offices déployées pour appeler à une inclusivité. Même la perspective du renouvellement à bonne date du parlement pose un problème de ‘’représentativité’’ des députés qui seront issus de ce scrutin.
Des défis
La Plateforme électorale des OSC note des défis à relever. Il s’agit notamment de :
– la sécurisation du scrutin dans une logique d’atténuation et de réduction des menaces de violences physiques, verbales, morales ;
– la participation au scrutin,
– la responsabilité des agents électoraux par rapport à l’intégrité des données du scrutin,
– la disponibilité continue des services de téléphonie mobile,
– la fourniture continue de l’énergie électrique,
– la fourniture continue de l’Internet et des réseaux sociaux durant le scrutin.
Des Recommandations,
Au regard de ces constats, la Plateforme électorale des OSC recommande :
A la CENA
– rendre disponible et en nombre suffisant le matériel électoral,
– s’assurer de la disponibilité des agents électoraux,
– la sécurisation du transport du matériel sensible avant et après le scrutin,
– A l’Autorité de Régulation des Communications Electroniques et de la Poste (ARCEP)
– Garantir le droit à l’expression à travers la continuité et la qualité de la fourniture de l’Internet.
Aux opérateurs des services de téléphonie :
– Garantir la continuité et la qualité de leurs services de téléphonie et d’internet.
Aux forces de défense et de sécurité :
– Veiller au respect des droits humains durant leurs différentes missions de sécurisation du scrutin sur toute l’étendue du territoire national ;
– Rester dans une posture républicaine et œuvrer avec professionnalisme durant le scrutin.
A la presse nationale et internationale :
– Respecter l’éthique et la déontologie de leur fonction ;
Aux Observateurs internationaux :
– Faire preuve de vigilance, de proactivité et documenter méticuleusement le processus électoral.
Aux leaders d’opinion et de la société civile :
– Maintenir les appels à la paix et pour des élections inclusives, à la responsabilité et à la cohésion nationale.
Aux administrateurs des fora whatsApp et autres réseaux sociaux
– De rester vigilants par rapport au fake news et à la vulgarisation de l’incitation à la violence et des images violentes.
CONCLUSION
La plateforme réitère son engagement à être plus que jamais un acteur médian de la vie publique en travaillant à travers son monitoring du processus électoral actuel à surveiller, rapporter et agir.
La Plateforme électorale appelle solennellement au sens de responsabilité de tous les acteurs afin que, plus jamais, de pareilles situations d’élections exclusives à fort potentiel de violences électorales ne se reproduisent dans notre pays qui mérite mieux.
Elle remercie tous les partenaires techniques et financiers qui ont soutenu ses activités dans le cadre de ce processus électoral sensible.
Fait à Cotonou, le 27 avril 2019
La Salle de Situation Electorale,
La Présidente