“Je consomme local, je construis mon pays”. C’est autour de cette thématique que gravitent l’édition 2022 du mois du « Consommons local ». Comme chaque année depuis 2020, le mois d’octobre est officiellement consacré à la valorisation des produits fabriqués au Bénin.
Par : Is-Deen TIDJANI
© BOULEVARD DES INFOS
De Cotonou, la capitale économique du pays à Abomey-Calavi, la cité dortoir située à 18,5km de la métropole, cette opération commence avec diverses fortunes pour les acteurs du secteur et les consommateurs.
Pour Victorin Konkon, maître cordonnier-maroquinier basé à Godomey, arrondissement de la commune d’Abomey-Calavi, “(…) cela permettra de savoir qui fait quoi dans le pays, mais surtout, de donner de la valeur ajoutée aux produits et créations des artisans locaux (…) ».
L’artisan se frotte les mains à l’idée d’améliorer son chiffre d’affaires. « (…) Par rapport à mon chiffre d’affaires pour ce mois, je dirai plus ou moins que ça a augmenté un peu. Ce mois a donné un peu”, dit-il avec un large sourire.
« Les clients veulent des produits de bonne qualité mais pas du tout chers »
Si pour le cordonnier, chaussures est à la bonne place, ce n’est pas encore le cas chez Innocent Ékpinkou, spécialisé dans la transformation des fils polypropylènes en sacs multi-usages.
Pour cet artisan handicapé moteur, abordé dans son “atelier de fortune” basé sous l’échangeur de l’avenue Steinmetz dans la zone commerciale à Ganhi, en plein de Cotonou, “Octobre n’est pas encore du tout rose”.
“Depuis le début de ce mois, je ne manque pas de clients. Juste que ceux qui viennent, malgré la cherté du prix des matières premières nécessaires à la fabrication de nos œuvres, n’aiment plus payer cher. Les clients viennent déjà avec l’idée de payer au rabais. Ce qui n’est pas normal. C’est à la limite révoltant (…)”, se désole Innocent Ékpinkou.
« Nous les Africains, nous n’aimons pas prendre les choses de notre pays ! »
Bérénice Adékambi, est maîtresse tisserande, non loin du centre des handicapés d’Akassato, un arrondissement de la commune d’Abomey-Calavi. Pour celle qui donne formes aux fils en lins à travers sacs, lits, chaises et guéridons, les africains en général et certains béninois particulièrement, n’intègrent pas encore la pratique du ‘‘consommons local’’ dans leurs habitudes.
“(…) Nous les Africains, nous n’aimons pas prendre les choses de notre pays. Alors que ce que nous fabriquons chez nous est important (…) Si le gouvernement peut continuer dans cet élan, ce serait une très bonne chose. Commençons par chez nous d’abord avant d’aller à l’extérieur. Parce que les gens de l’extérieur ont vite compris la nécessité de valoriser les produits fabriqués chez eux. Au Burkina, les fonctionnaires peuvent porter les tenues qu’ils veulent les autres jours. Mais le vendredi, tout le monde est en tenue traditionnelle (…)”.
Les consommateurs partagés entre qualité et cherté des produits locaux !
Alphonse Sossouhounto, est un fonctionnaire béninois à la retraite. Il est du nombre de ceux qui affectionnent particulièrement les pagnes tissés. Pour lui, « bien que ce ne soit pas à la portée de toutes les bourses, il y a tout de même dans ces tissus, de la qualité et de la résistance. Il nous confère à tout point de vue un statut social plus ou moins élevé. C’est la raison de moi choix », soutient le sexagénaire.
Loth Houssou, lui, est journaliste bien connu dans le monde culturel au Bénin. Il est du nombre de ces jeunes qui arborent les tenues locales presque tous les jours. Dans ce mois du « Consommons local » il nous dit ses motivations. « Personnellement, je suis accroc aux tenues locales, notamment les ensembles Goodluck. Je peux assurer avoir déjà porté les tenues locales 8 fois sur 10 pendant ce mois du « Consommons local ». D’ailleurs, mes proches m’identifient comme un vrai promoteur des tenues de chez nous. »
« Nous voulons des franchises et galeries »
Malgré le mérite d’avoir instauré de mois du « Consommons local », un modèle économique qui fait déjà sa petite route, le gouvernement du Bénin est invité par les artisans à poursuivre dans cet élan à travers d’autres actions à forts impacts.
Du côté des artisans locaux, les doléances ne manquent pas. Victorin Konkon propose que l’Etat mette en place une politique de subvention des matériels de travail des artisans : “Cela permettra d’accroître plus rapidement la création de nos œuvres”.
Innocent Ékpinkou, lui, propose la construction de franchises. “(…) Moi, je souhaiterais que le gouvernement nous propose des franchises où nous pourrions tous nous approvisionner en matière premières ou qu’il nous construise des galeries où nous pourrions nous regrouper afin de valoriser, comme il se doit, nos articles. Nous sommes obligés de travailler ensemble.” insiste-t-il.