Trois communes sœurs et voisines, mais qui ont souvent tendance à se livrer de petites guerres de leadership, alors qu’elles sont unies par le cordon ombilical culturel. C’est bien la situation dans la région Agonli au Bénin. Covè, Zagnanado et Ouinhi, même si elles le voulaient ne pourraient jamais rester divisées longtemps. Et pour cause, leur culture et leur tradition les ramènent toujours à une vie communautaire et leurs rappellent souvent leur obligation d’unité. C’est là, tout le sens du rituel Azongnigni qui se pratique périodiquement dans la région.
Par : Mathieu DAHANDÉ
© BOULEVARD DES INFOS
Samedi 15 Octobre 2022, la commune de Zagnanado est couverte par un ciel en fête. Bien que la saison de pluie n’ait pas prononcé ces dernières paroles, l’éclat du soleil en cette matinée fait penser à la saison sèche.
Dans le rang des initiés de haut niveau, devant participer sous peu au rituel «Azongnigni» encore appelé Tokplokplo, tout se met en place sous la supervision de Dada Bokodaho Afossoko, chef suprême des Assangni Boko de la commune de Zagnanado.
Sur la place publique du palais de sa majesté Dada Yêto Kandji, la foule d’invités, de dignitaires et de curieux se met également en place. Au premier rang de cette assistance, le ministre de la culture Jean Michel Abimbola. À ces côtés, les fils et personnalités de la région, dont l’honorable Natondé Aké et le patron de l’ANIP, Cyrille Gougbédji.
Tous arboraient fièrement leurs tenues traditionnelles, en parfaite harmonie avec l’évènement, mais aussi avec le mois d’octobre, mois du «consommons local au Bénin».
«Le rituel Azongnigni est une pratique spirituelle à caractère culturel, atypique, propre à la région Agonlin et réservée aux Assangni Bokonons des trois entités d’Agonlin à savoir Zagnanado, Covè et Ouinhi. C’est un rituel expiatoire qui a pour vocation de conjurer les maladies, les mauvais esprits et les mauvais sorts de la communauté» Clarifie Dada Bokodaho Afossoko.
De ses explications, on retient que ce rituel est ponctué de différentes étapes, «les unes accessibles au public et les autres réservées strictement aux initiés d’un certain rang.»
Au nombre des étapes accessible au public, le Axhiwlawla qui a lieu cette année au grand marché de Kpédékpo, la veille. Elle est précédée de la cérémonie «Amansi koussou-koussou» et de la cérémonie traditionnelle des «Sangnin Boconon».
Aucours de cette cérémonie, les Assangni boko se retrouvent tous au marché et font des achats symboliques d’objets utiles pour le rituel. Le Tokplokplo, lui-même, s’est déroulée la nuit précédente, seulement en présence des initiés.
«A cause des risques liés à cette étapes du processus, les populations sont priées de garder leur distance. Elles doivent rester dans leurs chambres. Personne ne doit sortir s’il n’est dignitaire ou initié de Sangninga. Seuls les initiés peuvent voir ce qui se passe la nuit du Azongnigni», précise Dada Afossoko.
Au lendemain de ce rituel, les populations sont maintenant conviées à la place du marché pour les libations et les bénédictions des Assangni boko ainsi qu’aux réjouissances, suite à l’exorcisme de tous mauvais esprits et tous mauvais sorts. C’est la célébration des cultes et de la culture d’Agonli.
Culte et culture combinés !
Au cours de la procession qui les conduit à la place du marché pour le compte rendu du «Azongnigni», les Assangniga Bokonons ont dévoilé, non seulement les richesses culturelles de la région Agonli, mais aussi la puissance des Vodouns de ce milieu.
Paroles incantatoires, accoutrement mystiques et mythiques, représentations matérielles de telle ou telle divinité. Tout est conjugué “aux temps appropriés”, pour donner au rituel, son caractère sacré et tout son prestige culturel.
Dans leurs habits d’apparat, les dignitaires donnaient à voir un spectacle plaisant, si plaisant pour faire apprécier les valeurs endogènes béninoises. Mais en même temps, le sacré était présent et avait tout son sens. Chacun est logé à la place qui est la sienne. En dehors des autorités politico-administratives qui sont honorées pour leur rang, les Assangniga Bokonons sont les personnes les plus célébrées en ce jour.
C’est par leurs soins que la joie et le bonheur reviennent au sein de la population d’Agonli. «Azongnigni ouvre les portes du bonheur aux populations. Ce rituel célèbre aussi notre culture et élève nos cultes», déclare sa majesté Dada Agonlihossou Yêto Kandji.
« (…) C’est l’occasion pour les jeunes qui ont cultivé un certain désamour pour la tradition, de se rendre compte que tout n’est pas mauvais chez nous. Nos vodoun ne font pas du mal. Ils protègent. Ils sauvent. Ils préservent la vie», affirme Wilfried, un des plus jeunes initiés. Azongnigni est aussi un creuset de réunification des fils et filles d’Agonli.
Symbole d’unité et de fraternité
«Quelle que soit la commune qui organise le rituel Azongnigni, les Assangni boko sont tenus de prier pour toute la région Agonli». C’est ce qu’affirme Dada Afossoko, chef suprême des Assangni boko de Zagnannado, pour mettre l’accent sur le caractère fédérateur de ce rituel.
Que ce soit Covè, Zagnanado ou Ouinhi, c’est toujours le même Agonli et comme le disent les natifs, ces trois communes sont liées par le sort pour la vie. C’est pourquoi à l’occasion du «Azongnigni» de cette année, le roi Yêto Kandji a lancé un appel à l’unité des fils et filles d’Agonli.
« (…) L’entente des fils et filles d’Agonli est primordiale. Il est important que nous parlions le même langage puisque nous parlons déjà la même langue. Nous sommes liés par le destin et nous devons agir dans cette logique», déclare sa majesté.
Covè, Zagnanado et Ouinhi sont les trois communes de la région Agonli. Elles partagent beaucoup de réalités ensemble et sont appelées à se compléter pour leur développement. Comme le rituel «Azongnigni» conjure le mauvais sort, alors il est souhaitable qu’il conjure aussi la division pour le bonheur des fils et filles d’Agonli et pour l’émergence des trois communes de la région.